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Camille fut accueillie avec froideur.
Sa mère déposa un baiser sur sa joue en plissant le nez.
— Mon Dieu, que vous sentez mauvais.
Camille soupira.
— J’ai dû plonger dans le fleuve pour m’échapper.
— Il faut toujours que vous vous fassiez remarquer. Était-ce bien nécessaire ?
— …
— Enfin… Maintenant que vous êtes revenue, allez vous laver et passez une tenue convenable. Ne traînez pas. Depuis deux jours les journalistes guettent le moindre de nos gestes. Nous avons décidé, votre père et moi, de les laisser vous questionner une bonne fois pour toutes. Le plus tôt étant le mieux, ils seront là sous peu. Ainsi ne nous importuneront-ils plus. Inutile de vous dire que nous n’avons pas apprécié la publicité que votre aventure nous a attirée et que nous avons hâte que tout cela soit oublié.
Camille se mordit la langue pour ne pas exploser.
Elle s’obligea à gagner calmement la salle de bains. Une fois la porte refermée derrière elle, elle serra les poings, frappa violemment du pied par terre et cracha une bonne dizaine de jurons. Imaginer que sa mère l’entendait lui rendit le sourire. Elle se déshabilla et, pendant que la baignoire se remplissait, examina son reflet dans la glace. Heureusement que les Duciel ne lui accordaient guère d’attention, sinon ils auraient sans doute remarqué son bronzage récent et elle aurait eu du mal à l’intégrer à son histoire de captivité.
Elle se glissa dans son bain en soupirant d’aise. Elle ne s’était que débarbouillée ces quatre derniers jours, et sa baignade forcée n’avait fait qu’aggraver la situation. Elle empestait.
Posés en tas sur le carrelage, les vieux vêtements qu’on lui avait prêtés juraient avec le luxe de la salle de bains. Camille les regarda avec un petit sourire qui se transforma en grimace.
— La sphère graphe ! s’exclama-t-elle.
Elle était restée au commissariat dans la poche de son jean. Comment avait-elle pu l’oublier ? Sans compter que si ses parents découvraient les vêtements avec lesquels elle était revenue, ils allaient exiger des explications…
Elle avait fait une erreur. Elle aurait dû réfléchir davantage avant de faire le pas sur le côté !
L’idée des problèmes qui l’attendaient gâcha le plaisir de son bain. Elle se savonna rapidement, se rinça et sortit de la baignoire.
Elle se préparait à enfiler un jean et un tee-shirt lorsqu’elle se rappela les recommandations de sa mère. Elle choisit donc une robe de jeune fille modèle, qu’elle assortit d’un bandeau pour retenir ses cheveux. Son image, dans le miroir de sa chambre, faillit la faire éclater de rire. Difficile de dormir à la belle étoile avec cet accoutrement !
Les journalistes l’attendaient dans le salon. Elle s’était imaginé de nombreux techniciens, des fils partout, des spots… Il n’y avait que deux hommes, dont l’un portait une caméra numérique.
Assise dans un fauteuil, sa mère minaudait tandis que son père prenait des poses devant la cheminée. Ils s’avancèrent vers elle, pleins de sollicitude.
L’interview dura une demi-heure et Camille fut tentée à plusieurs reprises de se pincer, tant l’attitude de ses parents était incongrue. Ils rivalisaient de gentillesse à son égard et multiplièrent les marques d’affection.
Quand les journalistes furent partis, ils se regardèrent avec l’assurance de ceux qui pensent avoir été parfaits. Camille les avait trouvés grotesques. L’inspecteur avait raison, la vie reprenait comme avant.
Les Duciel classèrent l’affaire sans état d’âme. Ils ne cherchèrent pas une seconde à savoir ce qui avait pu motiver l’enlèvement et ne posèrent pas la moindre question à Camille sur ce qu’elle avait vécu.
Elle finit sa soirée dans la bibliothèque, seule, lovée dans son fauteuil favori, échafaudant des plans pour la suite. Il lui tardait d’être au lendemain pour les soumettre à la sagacité de Salim.